« On dit que les enfants des Ogres se sentent coupables, que ce serait à cause de cette culpabilité qu’ils ne disent rien. Parce qu’une morsure d’Ogre, ça ne se voit pas de l’extérieur, ça ne change en apparence rien. Alors les autres ne pourraient sûrement pas comprendre. C’est une morsure invisible, mais qui saigne à l’intérieur, Et malheureusement il n’existe pas encore de remède à cette hémorragie, pas de traitement. Alors, à quoi bon en parler ? À quoi bon se plaindre ? Comment prouver un dommage invisible ? Et à qui, d’ailleurs, s’adresser pour demander réparation ? »
Cet extrait du texte de la création que nous proposons, Dans La Gueule De L’Ogre, nous plonge d’emblée dans la thématique de notre spectacle. Sur scène, une succession de personnages pernicieux font vivre aux spectateurs les péripéties d’une adolescente amenée à traverser différentes zones d’ogritude. Paralysée par la dissonance cognitive dans laquelle elle se trouve sans cesse précipitée, dans un monde ou l’humain est menacé au nom de la recherche impérative de performance, comment va-t-elle trouver des ressources pour se rebeller ?
La particularité de ce projet est de faire naitre, à l’issue de la représentation, un échange avec le public pour l’amener à prendre conscience des causes des violences visibles et invisibles que nous subissons tous, et de chercher ensemble à y remédier. Sa forme originale, incluant des scènes d’animation d’objets, permet de s’adresser à un public large à l’aide de figures et de symboles exprimant l’ineffable.
Les morsures d’ogre dont nous parlons sont des préjudices qui n’ont pas nécessairement de réalité matérielle : endoctrinement, abus sexuels, hypnose des consciences par les écrans et les drogues, … d’où la difficulté de les remettre en question. Lorsque nous nous trouvons en situation d’invisibilité organisée, l’art est l’un des rares moyens de rendre visible l’invisible, car il s’agit de toucher le vrai.